Un nouveau venu au Danemark découvre une autre mentalité et un vrai dépaysement même si le premier évangélisateur saint Ansgaard ou Anschaire venait de France 1. Difficile de résumer en quelques lignes mais voici trois images du pays.
Noël, la grande fête
La fête de Noël est assurément le moment fort de l’année. Ce temps est préparé par la fête de sainte Luce où un cortège de jeunes filles chante en procession avec une bougie allumée. Au Danemark, on ajoute le qualificatif de Jule (Noël) à de multiples activités comme la messe ou les repas en entreprises, les marchés de Noël… Les familles sont nombreuses à venir à l’office. Celui-ci est célébré à 15 h ce qui permet de rentrer chez soi et de partager le repas de famille. Pas de crèches mais de nombreux sapins illuminés. Pas de père Noël non plus en décoration extérieure, pourrait-on remarquer.
En famille, un passage biblique est lu à la fin du repas. Puis, la famille chante en dansant dans une ronde autour du sapin et chacun ouvre les cadeaux. Le lendemain et le surlendemain, tous les magasins sont fermés. Dans la nuit de l’hiver, la fête de Noël illumine les rues… qui seront dégagées de toute décoration et marché le jour même de Noël.
Un accueil policé et chaleureux
Les nombreuses églises demandent de la patience pour le touriste qui visite. Souvent fermées en semaine, sauf pour les funérailles ou les bap- têmes, elles ont sur le côté une salle communautaire avec de nombreuses activités du jeu de cartes, aux repas amicaux, séances de cinéma et autres. Tout en brique, elles offrent une façade austère. À l’intérieur, l’autel dos au peuple est fleuri avec une bible ouverte posée dessus. La propreté est impeccable.
Le pasteur a gardé la robe noire des premiers réformés avec une collerette blanche. Aujourd’hui, les femmes représentent plus de la moitié du clergé. Certaines paroisses proposent un temps de prière en semaine avec, presque toujours, un café croissant proposé après. Pour la messe du nouvel an, les bouteilles de champagne sont ouvertes avec une friandise en pâte d’amande. Attention, personne ne se ressert. De même, après la messe du dimanche matin, une petite assemblée souvent, les gens prennent le temps d’un café, d’un pain aux céréales ensemble.
1 % de catholiques pour une population luthérienne qui unit le peuple
L’unité du pays passe par le roi. La reine Margareth II vient d’abdiquer pour son fils Frederic X après 52 ans de règne. Ce royaume qui ras- semble le Jutland, les grandes îles du centre, les îles Féroé et le Groenland vit aussi par la langue et par l’Église nationale, « l’Église du peuple », folkekirke. Pendant plus de 300 ans, l’Église du peuple, venue de la réforme luthérienne en 1536, a été l’unique culte autorisé. Aujourd’hui encore plus de 85 % des Danois d’origine adhèrent et paient un impôt forfaitaire 2. Depuis 1849, la liberté de culte a permis la construction d’autres lieux de cultes et les catholiques représentent 1 % de la population avec une cinquantaine de paroisses sur tout le pays. Les rapports œcuméniques sont bons et l’on peut voir des enfants de pasteurs dans les écoles catholiques. Les Sœurs de saint Joseph du Puy ont tenu jusqu’à une vingtaine d’hôpitaux, aujourd’hui sécularisés. Le dernier hôpital, l’hôpital Saint-Joseph a été sécularisé en 2000. Cet exemple d’intégration ne doit pas cacher la ferme volonté de rester un peuple uni. L’arrivée de nombreux migrants depuis 30 ans, le nombre élevé de prêtres étrangers (85 %) a donné lieu à une réaction forte pour des prédications en Danois (projet de loi posé en 2021 3 puis abandonné).
Peu de jeunes témoignent de leur foi. Pourtant, la participation aux offices catholiques est variée avec des familles polonaises, des femmes seules comme celles originaires des Philippines. La plupart des paroisses dans la capitale et autour ont des messes proposées en plusieurs langues. Par expérience, un francophone trouve plus facilement sa place dans une messe en italien qu’avec une messe en ukrainien. L’ambiance est bon enfant, plutôt traditionnelle avec le prêtre seul qui donne la communion, sans conflits d’engagements sociaux ou politiques. Il suffit d’avoir un téléphone portable ou un missel pour suivre les lectures. Le petit nombre crée une belle fraternité entre catholiques, un peu complexés d’être si réduits face à l’église officielle. Ce sont les Danois qui mettent à l’aise 4 en variant les églises où ils vont au culte en passant aussi dans les chapelles « papistes ».
« De toutes les nations, faites des disciples », a annoncé Jésus. Parmi ces nations, n’oublions pas le royaume du Danemark.
- Saint Anschaire (831-865), moine de Corbie (diocèse d’Amiens) envoyé en 832 par le pape Grégoire IV pour l’évangélisation des « Suédois, Danois, Slaves et autres peuples du Nord ». Voir Rimbert, Vie de saint Anschaire, coll. ‘‘Sagesses Chrétiennes’’, Cerf, 2011, 276 p.
- Comme on peut lire sur le site de la paroisse danoise de Cannes : « Au Danemark, cette confession est religion officielle ou religion d’État, le monarque doit par principe faire partie de cette Église, il en est même la tête suprême. De nos jours encore, l’Église luthérienne est une fonction de l’État: il existe dans ce pays un ministère de l’Église, les pasteurs sont fonctionnaires d’État, les impôts comportent un impôt ecclésiastique etc. Pour les Danois résidant à l’étranger il existe un certain nombre de paroisses (réunies dans l’organisation Danske Sømands- og Udlandskirker). »
- Voir l’article de La Croix par Youna Rivallain, du 28 janvier 2021 : « Au Danemark, les sermons bientôt tous traduits en danois ? »
- Grand naturaliste du xviie s., Niels Steensen a été canonisé en 1989. Ce contemporain de Tycho Brahe est toujours très respecté par les Danois. Voir Peter Beck et Gustav Scherz, Le Bienheureux Niels Steensen, coll. ‘‘Épiphanie’’, Cerf, 1988; 110 p.
Père Jérôme de la Roulière
Aumônier des francophones du Danemark