L’Œuvre de Luc

Il est heureux que pour l’Année sainte la liturgie nous donne à méditer l’évangile selon saint Luc, l’évangéliste de la prière, de la miséri- corde, des origines de la mission.

La tradition attribue à Luc, médecin dAntioche, compagnon de Paul, deux livres : l’Évangile et les Actes des Apôtres. Quelle relation établir entre les deux? La critique allemande a longtemps déprécié lauteur des Actes comme un piètre théologien. Cependant à partir de 1950 le vent tourna. C’est ainsi que H. Conzelmann attribua à Luc la distinction, dans l’histoire du salut, de trois étapes : temps des promesses, temps de Jésus, temps de l’Église. La question de lunité Évangile/Actes était poe. Dautre part, en réaction contre lépuisante recherche des sources, lanalyse narrative se concentre sur le texte tel quil est et étudie les procédés décriture. En ce sens, les publica- tions de J.-N. Aletti, Quand Luc raconte : le récit comme théologie (Cerf, 1988), et en dernier lieu l’Évangile selon saint Luc. Commentaire (Lessius, 2022, 738 p.), dont nous nous inspirerons, sans oublier la nécessité d’une recherche de type historico-critique.

Cet article vise les orientations majeures de l’Évangile de Luc, en étant at- tentif aux références et allusions à l’Ancien Testament et aux clins d’œil vers la naissance de l’Église, confiée aux serviteurs de la Parole sous l’impulsion de l’Esprit saint. En cette Année sainte, puisse cet essai apporter des pistes de réflexion pour la prédication.

N.B. : la suite de cette présentation de l’Évangile de Luc sera publié dans le numéro 1601 de la revue en janvier 2025.

Note sur la lecture liturgique de Luc en 2024-2025 :

Articulation de l’Évangile :

  • les naissances de Jean Baptiste et de Jésus (1 - 2) ;
  • la mission de Jean Baptiste et Introduction à la mission de Jésus (3:1 - 4:13) ;
  • la mission en Galilée (4:14 - 9:50) ;
  • la montée vers Jérusalem (9:52 - 19:40) ;
  • à Jérusalem: instructions, jugement, passion (19:41 - 24:56) ;
  • la reconnaissance du Ressuscité et ascension (24).

Le projet de Luc selon le Prologue (Lc 1:1-4 et Ac 1:1)

Luc est le seul auteur du Nouveau Testament à avoir composé un prologue à la manière des historiens de son temps. Il commence par évo- quer ses prédécesseurs, non pour leur reprocher leur insuffisance, mais pour s’appuyer sur le témoignage de ceux qui sont devenus serviteurs de la parole, à savoir les apôtres et les disciples. Le grand nombre de noms propres qui parsèment l’œuvre de Luc témoigne de sa vaste enquête. Parmi les sources écrites s’impose l’évangile de Marc qui fournit la trame narrative. La com- paraison de Luc avec Matthieu montre l’existence d’une collection de logia (la source Q, Quelle) à laquelle chacun des deux évangélistes a puisé.

Luc remonte aux origines, étant le seul à raconter les enfances de Jean Baptiste et de Jésus. La rétrospective jusqu’à Adam (3 : 38) donne une va- leur universaliste à l’œuvre qui se caractérise aussi par son ancrage dans le temps des promesses.

Qui est ce Théophile auquel Luc dédie l’évangile et les Actes des Apôtres ?

C’est un lettré récemment converti, qui voudrait s’assurer de la solidité de linstruction déjà reçue. Selon les usages du temps, Luc espère sans doute de lui laide financière indispensable pour lédition.

L’évangile des enfances (Lc 1 et 2)

Propre à Luc, cette ouverture a exercé la plus grande influence sur la piété et lart. Que serait Noël sans la crèche? Selon un procédé bien attesté chez les écrivains de son époque, Luc met en parallèle Jean Baptiste et Jésus, et dans les Actes Pierre et Paul. Létude du genre litraire permet dentrer dans la perspective croyante de Luc.

Sans minimiser le rôle de Jean Baptiste, nouvel Élie, Luc souligne la supé- riorité du Fils de David. Cest la joie de laccomplissement des promesses divines, citées expressément ou sous forme allusive. La Loi et les prophètes sont convoqués pour attester que Jésus est bien le Sauveur attendu.

Les contrastes sont significatifs. Zacharie reçoit une vision dans le cadre grandiose du Temple. Gabriel rejoint Marie dans l’humble village de Nazareth. Il faut un ordre de César Auguste pour que la sainte Famille se rende à Bethléem. En guise de trône, lenfant sera couché dans une man- geoire. Ceux qui entendront le chant des anges et rendront hommage au nouveau-né, ce ne sont pas des notables, mais de simples bergers, qui seront les premiers missionnaires. « Heureux, vous les pauvres ! »

La piété na cessé dexalter Marie, comblée de grâce, cette kharis qui désigne le plan divin du salut. Dans un premier temps, Gabriel annonce la nais- sance du Fils de David. Il dévoile à Marie le mystère de la naissance virgi- nale sous laction de l’Esprit créateur. Luc fait entrevoir le mûrissement de la foi en l’humble servante du Seigneur, elle qui retenait les événements et les méditait dans son cœur (Lc 2:19).

La présentation de Jésus au Temple constitue le point culminant du drame. En soi, loffrande de pauvres gens ne saurait attirer lattention du public. Pourtant l’Esprit saint est à lœuvre et fait de Syméon linterprète dIsaïe : ce nouveau-né apportera la lumière aux nations et sera la gloire d’Israël (2:32). Avec Anne, Syméon représente le peuple des pauvres du Seigneur persévérant dans lattente. La joie nest pas sans ombre: cet enfant sera un signe de contradiction en Israël (2:3)

La scène de la fugue de Jésus au Temple le troisième jour accentue la ré- férence à Pâques. On y entend la première parole de Jésus : « Ne saviez- vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » ou « aux affaires de mon Père ? » Lorientation de toute une vie est donnée, mais elle reste cachée dans le silence de Nazareth.

Les cantiques qui scandent le récit font progressivement découvrir lidentité et la mission de Jean et de Jésus, fils de David, Fils de Dieu. Ils sont l’écho des chants de la communauté de Jérusalem.

La prédication de Jésus à Nazareth (Lc 4:16-30)

Luc a donné à cette scène une valeur programmatique, tout comme au discours de Paul à Antioche de Pisidie (Ac 13:16-41). Selon le rituel juif, l’office commençait par une série de bénédictions, puis venait la lecture de la Torah, suivie de sa traduction en araméen (targum) et d’un passage adapté des Prophètes. Lhomélie en proposait lactualisation.

Ici Jésus intervient directement en choisissant un extrait du rouleau d’Isaïe :

« L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a conféré l’onction. » (Is 61:1) Ce texte se rattache aux poèmes du Serviteur, dispersés dans la deuxième partie d’Isaïe. Dans la communauté des rapatriés inquiets de leur avenir, un prophète donc se lève pour annoncer une année agréable au Seigneur, un jubilé se caractérisant par la remise des dettes et le rétablissement de chacun dans la terre de ses ancêtres. Selon la traduction grecque, utilisée par Luc, revient par deux fois le terme aphesis, employé pour la libération d’un prisonnier ou d’un esclave et, dans la langue biblique pour le pardon des péchés. Les deux connotations se complètent. Lattente du grand Jubilé était bien présente dans la tradition juive 1.

Jésus s’approprie cette joyeuse annonce (évangile). Au baptême, il a reçu lonction de l’Esprit saint, comme le dira Pierre au centurion Corneille (Ac 10:38). Toute laction de Jésus, grisons, exorcismes libérant de la force du mal, apparaît comme le signe de lavènement du règne de Dieu. La cita- tion sarrête sur une note positive, omettant la menace, « jour de vengeance pour notre Dieu ». On retrouve cette citation quand Jésus répond aux envoyés de Jean Baptiste : « La bonne nouvelle est annoncée aux pauvres » (Lc 7:21). Quel programme pour aujourd’hui !

Aujourd’hui désigne le grand Jour de laccomplissement des promesses divines. En ajoutant : « Pour vous qui entendez », Jésus sollicite lattention de ses auditeurs. Pourtant perce le doute. « Qui est-il donc, ce fils de Joseph,

  • 1 Ainsi dans un texte de Qumrân, cest Melchidédech, chef des anges, qui annoncera le Jubilé, le jour des Expiations, apportant la libération pour les justes et la vengeance contre les partisans de Bélial (Satan) (supplément aux Cahiers Évangile 136, p. 30).

pour élever une telle prétention ? » (cf. Jn 6:42). Plus encore, c’est l’exigence de signes comme ceux accomplis à Capharnaüm, des miracles sur commande ! Tragique réalisation d’un proverbe : « Nul n’est prophète en son pays». Jésus réplique en évoquant les miracles accomplis en terre étrangère, par Élie et Élisée, lun en faveur dune femme de Sarepta, lautre en faveur de Naaman, général syrien atteint de la lèpre. Notons limportance du cycle dÉlie dans la tradition évangélique. Cen est trop ; la colère lemporte et lon veut jeter le perturbateur du haut de la falaise. « Mais lui, passant au milieu d’eux, alla son chemin. »

Cette conclusion est transhistorique. Inutile de chercher à Nazareth la Roche tarpéienne ! Pour Luc, le rejet de Jésus par les autorités juives est lié à sa volonté d’ouvrir l’Alliance aux nations. Le même drame se reproduisit à Antioche de Pisidie quand Paul déclara aux Juifs irrités de la conver- sion des païens : « Puisque vous repoussez [la bonne nouvelle], vous vous êtes vous-mêmes jugés indignes de la vie éternelle, alors nous nous tournons vers les nations » (Ac 13:45).

Le rapprochement entre ces deux scènes met en évidence l’un des problèmes majeurs auxquels Luc s’efforce de répondre. N’oublions pas la conclusion des Actes des Apôtres. À Rome Paul recevait tous ceux qui venaient le trouver (28:3 s), sans exclusive donc. Cest le thème que développera lépître aux Éphésiens, écrite sans doute à la même époque.

La pêche miraculeuse et la vocation de Pierre (Lc 5:1-11).

Marc place l’appel des premiers disciples tout au début de la pré- dication de Jésus en Galilée. Luc la situe après la journée de Capharnaüm, dans le cadre d’une pêche miraculeuse, rapportée par Jean lors d’une appa- rition du Christ aux bords du Lac ( Jn 21:1-14). D’un point de vue chrono- logique, chacune des situations a sa vraisemblance.

Chez Luc, tout commence par le succès de la prédication de Jésus, qui de- mande à Pierre de prêter sa barque (cf. Mc 4:1). Jésus invite ensuite Pierre à jeter le filet en eau profonde. Demande surprenante, après une nuit infruc- tueuse. Pierre pourtant fait confiance : « Sur ta parole, je vais jeter les filets. » Le succès inespéré réle lefficacité de la Parole. Il faut le concours des associés pour éviter que la barque ne s’enfonce. Le fait a valeur théopha- nique et provoque l’effroi. Comme Isaïe au Temple de Jérusalem, Pierre prend conscience de son péché, non pour être accablé mais pour recevoir une mission. « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu auras à capturer » (5:10).

Métaphore vive, dont nous risquons par habitude de perdre la force. Selon le prophète Habacuc, la cruauté des Chaldéens n’est-elle pas comparée à celle du pêcheur (1:14-16) ?

Comprenons : les hommes vivent dans l’ignorance, l’insouciance. Par la prédication il faut leur faire prendre conscience de leur péché et les attirer vers le Royaume : « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile » (Mc 1:15). Ce qui est prioritaire, ce n’est pas la menace du châtiment, mais l’annonce que Dieu, riche en miséricorde, se fait tout proche.

Par ce récit, Luc prépare l’histoire de la mission. Selon la première partie des Actes, Pierre tient le premier rôle et ouvre la mission aux nations par le baptême du centurions Corneille (Ac 10).

Édouard Cothenet
Prêtre du diocèse de Bourges


La première Lettre de Pierre

La première lettre de Pierre est une exhortation adressée de Rome (Babylone) à des fidèles disséminés dans les provinces romaines d’Asie Mineure (une partie de la Turquie actuelle). Il est difficile d’en fixer la date avec précision. Ce qui est certain, c’est que les chrétiens se trouvent dans le temps de l’espérance vivante. Ils doivent trouver leur place dans la société au milieu de laquelle ils vivent, laquelle les considère avec méfiance et même avec hostilité.

Quelle est laffirmation essentielle de cette épître autour de laquelle tout prend son sens? Il semble que ce soit la place du peuple de Dieu, ce peuple que les chrétiens constituent à la suite du Christ. Cela apparaît du fait que le mot « Église » n’est pas utilisé dans cette lettre. Si les lettres de Paul saluaient l’Église qui est en telle ville, Pierre s’adresse aux « élus résidents de la diaspora » dans telle région (1 P 1:1). Au lieu de s’adresser à un peuple rassemblé, il sadresse à un peuple dispersé. La pene de lépître sorganise autour des trois termes de peuple de Dieu, de diaspora et délection.

Pour saisir ce quentend la première lettre de Pierre sur le « peuple de Dieu », il est utile de commenter attentivement le passage 2:4-9. D’où vient la di- gnité des chrétiens? D’une seule réalité développée dans ces versets : ils sont la maison de Dieu et le peuple de Dieu. Ce passage veut relancer le tonus des chtiens. Pour cela, il est nécessaire de revenir à ce qui fonde lidentité spirituelle. Ainsi, ils peuvent assumer leur mission dans le monde.

Deux expressions sont à relever : « vous êtes édifiés en maison spirituelle » (2:5), c’est la dimension cultuelle de l’existence chrétienne qui est soulignée. Cette construction est rendue possible parce que le Christ est la pierre vivante choisie par Dieu. Dans cette maison, un culte est rendu à Dieu. Pour ce culte, il faut un sacerdoce. Mais celui-ci n’est pas à chercher loin ; cest la communauté chtienne toute entière qui est sacerdotale. Quest-ce quelle offre ? Non pas des actes exrieurs, mais un culte spirituel, cest-à- dire l’existence toute entière consacrée à Dieu.

Avant den venir à lautre expression viennent des citations explicites de l’Écriture : elles présentent le Christ comme la pierre angulaire. Cette pierre, Dieu la pose maintenant, c’est le Christ mort et ressuscité. L’accueillir, c’est recevoir de Dieu l’honneur qu’Il donne à son fils, la pierre choisie. La refu- ser, c’est courir à sa ruine.

Suit alors une autre expression, « vous êtes le peuple de Dieu » (2:10). Plusieurs termes se succèdent, chacun avec son arrière-fond biblique. Tous ces termes veulent manifester le don que Dieu fait à ceux qui croient. La sainteté du peuple est réaffirmée, car il est celui que Dieu a choisi et qu’Il s’est acquis par son fils. Dans quel but? Pour annoncer les hauts faits de Dieu. Il n’est pas possible de garder pour soi les merveilles de grâces que Dieu a don- nées. Cela se résume dans le passage des ténèbres à la lumière. Le peuple qui annonce ces merveilles en a fait lui-même l’expérience. Pierre trans- pose à la communauté chrétienne des titres et des notions que l’Ancien Testament appliquait au peuple dIsrl. Linfidélité dIsraël avait fait que celui-ci nétait plus le peuple de Dieu (« pas mon peuple » disait le prophète Osée [1:9]).

Ce passage comprend de nombreux emprunts à l’Ancien Testament, ce qui peut amener de la difficulté à en saisir la richesse. Il est bon de sattarder à ce texte car il éclaire notre identité chrétienne au milieu du monde, non pas pour vivre replié sur soi mais tourné vers les autres en vue d’annoncer une foi dont on vit et dont on est un témoin fidèle.

De même, dans la grande bénédiction inaugurale (1:3-12), la communauté chtienne est présentée comme lritière du peuple dIsrl. Ce peuple nouveau n’a plus de base nationale ni ethnique. Il est une grande fraternité à travers le monde (cf. 5:9). Sans doute y a-t-il un rapport à chercher entre la communauté d’Israël dans le désert et la situation des chrétiens selon lépître de Pierre : tous deux sont sans territoire propre et dans lattente de la terre promise, celle-ci, pour les fidèles chrétiens, n’est pas dans ce monde, elle est préparée dans les cieux et elle est donnée et non pas conquise.

Ce peuple nouveau est une dispersion. Lépître nenvisage pas de rassemblement géographique ni un centre historique pour ce peuple ; il n’existe que dispersé. Son unité se concrétise dans la foi au Christ. Il se distingue des nations païennes au milieu desquelles il vit. Des différences se manifestent dans le fait dêtre devenus croyants (1:23 ; 2:7 ; 4:17) mais également dans le comportement moral et social. Ce n’est pas par hasard que le mot « chrétien » est utilisé en 4:16. Mais les chrétiens ne sont pas un groupe en marge de la société. Ils acceptent de bon cœur le cadre social de l’époque, mais ils n’en sont pas les esclaves. Ils y vivent en étant soumis (2:13 ; 2:18 ; 3:1) mais avec la liberté des serviteurs de Dieu (2:16). Ils ne refusent donc pas globalement les institutions, et même s’ils mettent en question certains aspects de la religion païenne ou des mœurs, c’est sans rompre la solidarité sociale.

Pourquoi sont-ils comme des résidents et des étrangers dans la société où ils se trouvent? Pour lauteur de lépître, tous les chtiens sont en dias- pora. Sans doute faut-il éviter d’avoir une interprétation sociologique de ces termes qui viennent du livre de la Genèse (23:4) où Abraham se définit ainsi (dans la Septante). S’ils sont résidents, c’est d’abord parce qu’ils sont des élus, choisis par Dieu et donc mis à part. C’est vrai de tous les chrétiens, y compris de la communauté de Rome (5:13).

Dieu appelle les fidèles au sein même des nations païennes. Ce peuple naît comme une diaspora, ce qui ouvre le champ à l’annonce de l’Évangile. Au sein de sa situation, ce peuple nouveau est appelé à vivre sa mission cultuelle : offrir des sacrifices spirituels agréables à Dieu par Jésus-Christ (2:5). Cela est mis en œuvre dans la proclamation des merveilles de Dieu et aussi dans leur comportement quotidien qui sera un témoignage vivant (2:12).

Une telle perspective est actuelle et elle nous permet de regarder la situation présente, non pas comme une catastrophe, mais comme un appel à devenir témoins du Christ. S’appuyer sur l’un des passages de cette lettre pour l’une des homélies peut être appréciable.

+ Pierre-Marie Carré
Archevêque émérite de Montpellier


Qu’est-ce que la foi selon l’Apôtre Paul ?

Dans l’Ancien Testament, la foi est présentée comme la relation dialectique de l’homme à Dieu : Dieu s’adresse en premier à l’homme, de manière personnelle, « comme un ami parle à son ami » (Ex 33, 11) et l’homme répond. La foi est cette réponse personnelle que l’homme apporte à l’initiative divine, dans une attitude de confiance absolue, d’abandon et d’engagement total de sa propre réalité existentielle. Si le corpus des écrits constituant l’Ancien Testament ne contient pas de terme équivalent pouvant être traduit par celui de  foi, le vocabulaire utilisé dans ces textes est varié et reflète la complexité de l’attitude du croyant. La structure de la conception de la foi vétérotestamentaire montre que celle-ci est avant tout théocentrique et qu’elle est comprise, dans la relation entre l’être humain et Dieu, comme la réaction de l’homme face à l’action de Dieu, ce dernier ayant toujours l’initiative. Cette conception de la foi s’exprime à travers les récits de l’histoire d’Israël et des événements de la vie des grandes figures centrales de cette histoire, comme, par exemple, Abraham considéré par la tradition comme l’homme de la foi par excellence. Avoir foi en Dieu est tout à la fois « croire à la parole », « avoir confiance », « fidélité » et « obéissance ». Cette approche montre que la perception de la foi était le résultat d’une réflexion menée à partir des divers contextes de l’histoire d’Israël, ou à partir de figures construites de personnages, plutôt que d’une construction abstraite et intellectuelle.

Paul, dans sa conception de la foi, reste très discret sur la foi comme réponse libre et gratuite de l’homme à l’initiative divine. Mais il montre, en Romains 4, que la parole de Dieu suscite un croire qui non seulement est un acte mais aussi une prise de position qui définit l’identité du croyant. Or, la théologie paulinienne ne se satisfait pas d’une confession toute formelle. L’analyse des textes montre que la conception paulinienne de la foi est exclusivement un concept sotériologique : la foi est le moyen par lequel tout croyant, sans distinction (Rm 3, 22), reçoit la grâce salvifique de Dieu par l’acceptation de l’Évangile qui proclame que Dieu a ressuscité Jésus d’entre les morts.

Que dit le chapitre 4 de l’Epître aux Romains ?

Paul, en écho à la tradition juive, introduit dans la discussion le premier Patriarche de l’histoire d’Israël comme le paradigme par excellence, pour le peuple Juif, de l’homme justifié. Il utilise à cet effet un moyen efficace, la question rhétorique au verset 1:

Quoi donc dirons-nous (qu’a) trouvé Abraham notre ancêtre selon la chair ?

L’absence de l’infinitif « trouver » dans certains manuscrits soulève des difficultés lexicales, syntactiques, grammaticales et, par conséquent, théologiques. Ces difficultés viennent du fait que le texte grec est irrémédiablement corrompu.
Compte tenu de la remarque qui précède et sans rentrer dans un débat technique, le problème, en Rm 4 XE "Rm 4" , n’est pas de savoir si « nous » avons Abraham comme « père », mais ce qu’a « trouvé » Abraham, notre ancêtre « selon la chair » : il a trouvé la justice, de plus, il a trouvé la justice avant d’être circoncis ; cette justice est associée à une promesse de descendance. L’important, pour Paul, n’est pas qu’il soit notre père, mais qu’il l’ait été avant d’être circoncis. Tout l’enjeu théologique du chapitre se concentre sur cette problématique : Abraham est devenu notre père avant la circoncision (donc sans la Loi) parce qu’il a cru. C’est parce qu’il a été justifié avant la circoncision qu’Abraham va devenir la figure paternelle.

Rm 4, 3-8 : selon les Ecritures

Paul fait usage, dans son argumentation, de deux textes tirés des Écritures : celui de Genèse 15, 6, au verset 3, et celui du Psaume 31, 1-2 selon la Septante, aux versets 7 et 8.

Le texte de Genèse 15, 6 : « Abraham eut foi en Dieu et cela lui fut compté comme justice », est pour Paul le texte de l’Écriture où les mots « foi » et « justification » sont liés dans une relation étroite ; ce texte est fondateur de la théologie paulinienne selon laquelle Dieu justifie par la foi. Il a été justifié parce qu’il a déposé sa confiance en Dieu, avant d’avoir été circoncis et d’avoir observé un quelconque précepte de la Loi. Cet acte de foi ne constitue pas une œuvre méritoire que Dieu récompenserait. La signification de la  justification est ici clairement établie. Pour Paul, la justification est cette « creatio ex nihilo » comme la promesse de laquelle elle procède. Si donc Abraham a aussi reçu son identité de père, c’est parce qu’il a eu foi en la promesse. Cet acte est unique, il ne se renouvelle pas. Il est fondateur car il marque la radicalité absolue de l’acte divin. La tradition biblique et juive lit, quant à elle, Gn 15, 6 à la lumière des textes qui insistent sur l’observance de la Loi divine, sur la fidélité du Patriarche dans la tentation et sur le fait que la bénédiction divine est la réponse de Dieu à l’attitude du Patriarche. Dans ces textes, la tradition juive est constante : la justification est obtenue par les mérites et l’acte de croire d’Abraham a été compris par la tradition juive comme une œuvre méritoire. Pour Paul, au contraire, Abraham est clairement le premier croyant, mais pas le premier fidèle observant les préceptes de la Loi.

Pourquoi Paul n’est-il pas sur le registre de la tradition juive ? Il l’explique par la petite parabole du travailleur et du croyant aux versets 4 et 5. Un travailleur, celui qui accomplit des œuvres, perçoit un salaire correspondant au travail qu’il a effectué par sa propre capacité à le réaliser. Le salaire est un dû résultant d’un travail accompli, mais en aucun cas il n’est le résultat d’un acte gratuit. Il ne s’agit pas d’un cadeau, mais d’un droit acquis. L’emploi du verbe « compter, porter au compte de » quelqu’un quelque chose qui ne lui appartient pas en propre, mais qu’il a acquis par son effort personnel, est ici celui dont la signification est issue de la comptabilité commerciale et financière. Le croyant est fondamentalement différent du travailleur. Déjà, il n’est pas à l’ouvrage, donc il n’a pas d’œuvre à faire valoir pour obtenir un « salaire ». Il est celui qui n’attend rien du tout. En d’autres termes, il est celui qui reçoit parce qu’il est saisi par celui qui l’appelle et, en lui, il dépose sa confiance. Or, c’est bien celui-ci, le croyant, que Dieu récompense. Paul a effectué ici, tout en utilisant la même terminologie, plus qu’une transposition sémantique : il est passé du langage financier à une application d’ordre théologique qui a une toute autre signification. Dieu est celui qui justifie celui qui « ne travaille pas », c’est-à-dire, l’impie. C’est ainsi que Paul définit Dieu : il est celui qui justifie l’impie. Cette expression explicite ici clairement la conception paulinienne de la foi. Dans la tradition biblique, Dieu ne justifie pas l’impie, comme le montrent les textes tels que Ex 23, 7 ; Pr 17, 15 et Is 5, 23. Un texte comme Gn 18, 23.25 indique clairement l’opposition d’Abraham à l’idée que Dieu puisse traiter de la même manière l’impie et le juste. Or, c’est bien Abraham, qui n’était pas à l’ouvrage, qui a été reconnu juste parce que « croyant » en la promesse divine.

L’Apôtre va renforcer sa démonstration en s’appuyant sur un autre texte de l’Écriture. Le deuxième texte que Paul cite littéralement, aux versets 7 et 8, comme parole d’Écriture, est le Psaume 31, 1-2, qu’il emprunte aussi à la Septante. Il s’agit d’un poème dominé par le sentiment de soulagement que procure le pardon du péché. La joie du psalmiste, que la tradition identifie au roi David, provient du fait que les « injustices » ont été « pardonnées, enlevées », les « péchés » ont été « remis, recouverts » et parce que, finalement, Dieu n’a pas « retenu, tenu compte » de toutes ces offenses. Paul explicite ici, dans ce contexte de pardon des péchés, le sens de « compter, porter au compte de » et lui donne une coloration théologique dont la signification est très proche de celle de « pardonner » les péchés. Il est intéressant de noter que, contrairement à la pratique du judaïsme, Paul n’a pas eu recours au Psaume 1 qui affirme que le bonheur est pour celui qui observe la Loi.

Ces deux textes lui permettent de démontrer que Dieu justifie, dans deux situations différentes, sans les œuvres de la Loi: l’une concerne Abraham, qui est non juif puisqu’il est en dehors de l’alliance, et l’autre David qui, lui, est dans l’alliance et donc Juif. En effet, au verset 7, Paul, présente David comme celui qui raconte sa propre expérience d’homme pécheur justifié sans œuvres. Mais, contrairement à Abraham qui, au moment de sa justification, n’était pas dans l’alliance, David appartient à la sphère de la Loi, puisqu’il est circoncis. Mais Paul cite un texte, émanant de l’autorité scripturaire, qui présente David comme la figure du pécheur déjà dans l’alliance et capable de conversion sur appel de la parole prophétique (2 S 12, 1 XE "Rm 12, 1" 3). Il a été justifié par Dieu malgré l’« absence d’œuvres » et bien qu’ayant transgressé la Loi. Ce bonheur que chante David présente aussi toutes les composantes de l’acte de foi, car il a eu foi, comme Abraham, en la parole de Dieu et il a été justifié. Par ces deux exemples, Paul montre qu’Abraham et David sont dans la même situation : Abraham a été justifié en Gn 15, 6 avant et indépendamment de la circoncision, situation que Paul considère comme équivalente à celle de David présenté comme pécheur au Ps 31. Dans cette comparaison des deux textes, l’Apôtre montre que ces deux grands personnages de l’histoire d’Israël ne peuvent se prévaloir d’une quelconque œuvre méritoire : au moment où Abraham, l’impie, est justifié, il était comme David, pécheur et sans aucune œuvre bonne à faire valoir.

Rm 4, 9-12 : foi et circoncision

En reprenant le langage de la béatitude au verset 9, Paul élargit le débat : ce bonheur proclamé par le psalmiste s’applique-t-il aux seuls circoncis, c’est-à-dire au peuple Juif, ou bien s’applique-t-il « aussi, également », aux incirconcis ? Paul ne répond pas directement à cette question dans la suite du verset. Il effectue plutôt un déplacement rhétorique en passant à la première personne du pluriel. « Nous disons » introduit la citation de Gn 15, 6 : « la foi d’Abraham lui fut comptée comme justice. » Mais en procédant de la sorte, il montre que le bonheur dont parle David doit être expliqué par la foi, celle qu’avait Abraham avant d’être circoncis. Gn 15, 6 devient ainsi la clé herméneutique qui dévoile la signification du Ps 31, 1-2. Pour répondre à la question du verset 9, Paul en formule une autre, au verset 10, qu’il situe du point de vue de la tradition juive : Abraham a-t-il été justifié du temps où il était circoncis, ou bien quand il était incirconcis ? La réponse, encore une fois, est évidente pour les lecteurs de Paul puisqu’elle fait partie de l’histoire et du vécu de la tradition juive. C’est pour cela que la démarche de Paul est subtile. Il se sert de la technique de la loi d’ancienneté ou de préséance pour montrer que Genèse 15, 6, qui confirme la justification d’Abraham dans son état d’incirconcis, précède, dans l’ordre chronologique des événements rapportés de la vie du premier Patriarche d’Israël, l’œuvre de la circoncision décrite en Genèse 17, 11.

Abraham a d’abord été justifié (verset 10) du temps où il avait le statut d’impie. « Puis », « ensuite », il a reçu la circoncision, selon la tradition juive, vingt-neuf ans après, c’est-à-dire à l’âge de « quatre-vingt-dix-neuf ans » (Gn 17, 1). Paul, en rétablissant la chronologie de la vie d’Abraham, met en lumière une situation paradoxale. Abraham a été justifié sans œuvres, même sans l’œuvre de la circoncision et, néanmoins, pour être dans l’alliance, d’après la tradition juive, il faut être circoncis. Alors, quelle est la nécessité ou l’utilité de la circoncision (Rm 3, 1 XE "Rm 3, 1" ) ? Pour Paul, Abraham a reçu la circoncision comme un signe, comme la marque indiquant que Dieu l’a justifié en tenant compte de sa foi en la promesse divine. La conséquence du déplacement effectué par Paul dans son analyse exégétique a donc conduit à ce que la paternité d’Abraham, cet ancêtre selon la chair pour le peuple Juif, ait été élargie et qu’il soit maintenant appelé, de manière typiquement juive, « notre père Abraham ». En juxtaposant cette expression typique à celle d’Abraham « père des circoncis » et « père des incirconcis », Paul indique clairement qu’Abraham, le père du peuple Juif est devenu le père d’une nombreuse descendance. L’exégèse de Paul se trouve ainsi en droite ligne avec l’Écriture qui met au centre de la figure d’Abraham « la fonction de père inaugurant une histoire qui est celle du salut de toute l’humanité ». Dans le judaïsme, Paul a vu en Abraham « l’ancêtre selon la chair ». Dans les nations, ou dans l’universalisme, il le voit comme le « père » qui appelle l’affiliation et la fraternité. Il est toujours difficile de concevoir une théologie qui ne soit pas historiquement enracinée et motivée par une situation concrète. « On s’est toujours servi de l’histoire d’Abraham pour influencer la situation contemporaine d’une communauté, qu’elle soit juive ou chrétienne. » Paul a donné, par la spiritualisation de la promesse de la descendance, une nouvelle signification à la vie et à la foi d’Abraham.

Rm 4, 13-22 : foi et promesse

Au verset 13, la signification de la promesse de Dieu faite à Abraham est la parole de Dieu qui annonce et qui garantit un don ; la parole est irrévocable (Nb 23, 19) car c’est la puissance de Dieu (Rm 1, 1 XE "Rm 1, 1" 6). Ce n’est pas dans le contexte de la Loi que la promesse a été faite à Abraham et à sa descendance, mais dans celui de la foi. Quel est le contenu de cette promesse ? Son contenu est donné par une affirmation quelque peu insolite, « la promesse (fut faite) à Abraham et à sa descendance d’être l’héritier du monde». Rm 4 XE "Rm 4" , 1 XE "Rm 4, 1" 3  XE "Rm 4, 13" se fait l’écho de Gn 15, 4 XE "Rm 15, 4" , où il est question de l’héritier d’Abraham, texte qui précède Gn 15, 6. Dans la littérature néotestamentaire concernant l’héritier, les trois récits évangéliques, rapportant la parabole des vignerons homicides, désignent le fils comme l’héritier et, en l’occurrence, il s’agit de Jésus. Christ est, pour Paul, le seul héritier et c’est pour cela qu’il christianise la promesse. Paul voit en Abraham le prototype de l’héritier du monde, celui qui, par la foi, a rassemblé tous les croyants avant qu’ils ne soient rassemblés en Christ.  Pour Rm 15 XE "Rm 15" , 8, les promesses faites par Dieu aux pères se sont accomplies en Christ. Puisque le vocable héritier comporte une tradition néotestamentaire christologique, et que Rm 4 doit être lu à la lumière des versets 23-25, les faisceaux d’indices sont suffisamment pertinents pour interpréter ce verset 13 à partir de ce point central messianique que constitue le Christ pour Paul. Paul relit dans Rm 4, 13 la promesse de l’héritier et en effectue un déplacement en affirmant qu’elle s’applique non seulement à Christ mais aussi déjà à tous les croyants. Cet élargissement de la promesse, au-delà des descendants charnels d’Abraham, est valable depuis l’origine pour les Juifs et les non juifs puisqu’elle produit ses effets par la foi.

La problématique qui surgit est celle de savoir qui sont les héritiers d’Abraham dont parle Paul. La détermination de la descendance ne peut être obtenue qu’à partir d’un raisonnement porté sur l’enracinement juif de Paul puisqu’il « chemine encore avec les idées du judaïsme ». En se basant sur le texte de Gn 15, 6, Paul pose le principe fondateur selon lequel Abraham reçoit, dans son acte de croire, son identité de père et, par le fait même, il donne une identité à ses descendants. La descendance d’Abraham ne peut donc être que ceux qui, comme lui, croient puisque Dieu n’a pas lié la promesse à la Loi. Cet argumentaire permet à Paul de soutenir l’affirmation selon laquelle l’identité de la descendance d’Abraham avait été décidée avant que La loi soit donnée au Sinaï et que, par conséquent, Abraham est non seulement le père des Juifs mais aussi des non juifs. Si les non juifs venaient à être exclus, Dieu n’aurait pas tenu sa promesse, conformément au principe bien attesté dans l’Ancien Testament selon lequel Dieu réalise toujours ce qu’il a promis.

Au verset 16, Paul réaffirme, dans un style dense et concis sans indication de sujet ni de verbe, la justification par la foi en rappelant à nouveau la gratuité de l’acte de Dieu : c’est par la foi que s’obtient la promesse ; la promesse est donnée par grâce,  XE "Rm 3, 24"  XE "Rm 4"  XE "Rm 4, 4" expression qui correspond à l’acte gratuit de Dieu dans sa réponse à l’acte de foi du croyant. La foi est de l’ordre du don. Et alors que le récit de la Genèse ne parle pas de la grâce, Paul l’introduit dans son récit sur Abraham pour en faire un principe de lecture et en déduire que, en amont de tout le processus de la justification, il y a seulement la grâce. Dans la deuxième partie de ce verset 16, Paul utilise un langage « théologique » pour réinterpréter théologiquement la signification de l’affirmation selon laquelle « Abraham est père de nous tous ». Ainsi, face au problème d’intégration, des communautés judéo-chrétienne et pagano-chrétienne qui se sont divisées, Paul fait en sorte de les enraciner dans la paternité d’Abraham en leur donnant une filiation distincte sur des bases différentes. Ceux qui croient au Dieu qui a ressuscité Jésus de la mort sont à égalité de droits avec ceux qui croient au Dieu qui donne la vie à la mort.

La caractérisation de Dieu comme celui « qui fait vivre les morts et appelle à exister ce qui n’existe pas » au verset 17, apporte la garantie de la capacité de Dieu à accomplir cette promesse. Paul, dans cette définition de Dieu, utilise deux expressions anciennes à la symbolique très forte et qui, ensemble, donnent une composition paulinienne originale :
« Le Dieu qui fait vivre les morts » exprime le pouvoir de Dieu de vivifier les morts, celui du Dieu rédempteur. Le vocabulaire correspond littéralement au texte de la deuxième bénédiction des dix-huit bénédictions de la grande prière juive Shemone Esré :

«Toi, tu es fort … ressuscitant les morts … vivifiant les morts … Béni sois-tu, Y., vivifiant les morts ! ».

« Et appelle à l’existence ce qui n’existe pas » est plus difficile d’interprétation. La plupart des exégètes la comprennent comme décrivant la puissance du Dieu créateur, celle qui permet de créer le monde à partir du néant. Le verbe « appeler » a le sens de cette parole qui ordonne d’exister et qui fait que les choses qui ne sont pas existent. La conjonction « comme » exprime ici la conséquence, c’est parce que Dieu appelle ainsi à l’existence les choses qui n’existent pas, qu’elles sont. La référence à la « creatio ex nihilo » par Dieu, thème familier aux Juifs, est évidente.

Le verset 18 décrit la nature de la foi d’Abraham en réponse à l’action toute puissante de Dieu : « espérant contre toute espérance, il crut, afin de devenir le père de nombreuses nations selon ce qui avait été dit : ainsi sera ta descendance ». Paul explique ce croire ou cette foi que Dieu a reconnu à Abraham comme justification, et qui peut concerner « quiconque croit » (Rm 1, 1 XE "Rm 1, 1" 6). Et pour ce faire, il construit son argumentation en continuant sa lecture de la vie du premier Patriarche sur le modèle des récits des « histoires des miracles ». L’expression rhétorique « espérant contre toute espérance » est une combinaison de deux expressions dont Paul en a fait une seule. Par cette construction, Paul insiste sur le caractère paradoxal de l’espérance : elle est contraire à toute attente humaine; elle ne repose que sur elle-même. Mais la foi d’Abraham prend le caractère de l’espérance parce qu’elle repose sur Dieu.

Au verset 19, Paul décrit en détail la condition physique d’Abraham et de Sarah et montre les difficultés de l’accomplissement de la promesse dans cette situation : « et n’ayant pas faibli dans la foi, il considéra son corps (déjà) mort – il avait environ cent ans – et la nécrose de la matrice de Sarah ». Le fait d’observer attentivement l’état déjà nécrosé de son corps ne fait pas faiblir Abraham dans sa foi ; au contraire, face à cette situation désespérée, il continue d’espérer au-delà de ce que la condition humaine peut espérer. Une telle espérance ne peut être qu’une foi absolue dans le Dieu créateur. En effet, Abraham est le fruit du travail du temps, puisqu’il est âgé d’environ cent ans. Or, dans la défaillance de la réalisation de la promesse, il n’y a pas que le corps nécrosé d’Abraham ; il y a aussi l’utérus nécrosé de Sarah. C’est cette double stérilité qui fait que leurs corps sont morts et sur laquelle Paul insiste.

Le mot foi a une signification traditionnelle dans ce verset XE "Rm 4, 17-21"  : celle « d’avoir confiance en Dieu qui accomplira sa promesse ». Il s’agit de son sens général, différent de celui du reste du chapitre où foi est dans un rapport antithétique avec la loi ou les œuvres.

Le verset 20 décrit la deuxième réaction d’Abraham : « face à la promesse de Dieu, il ne douta pas par manque de foi, mais il fut fortifié par la foi, rendant gloire à Dieu ». Il a donné la réponse exigée en pareilles circonstances, une réponse qui englobe la vie tout entière de la personne.  Ainsi, après avoir observé son corps (verset précédent), Abraham refuse de ne pas croire, ce qui, compte tenu du sens étymologique du verbe, conduit à penser qu’Abraham aurait pu donner une autre réponse. Mais Abraham n’a pas succombé au doute concernant la promesse. Bien au contraire, il s’est raffermi dans la foi. Et, contrairement à ceux qui « connaissant Dieu, ils ne lui ont rendu ni la gloire ni l’action de grâce qui reviennent à Dieu » (Rm 1, 21 XE "Rm 1, 21" ), Abraham est l’impie qui va vers Dieu et lui rend gloire. Cet hommage a consisté en la réponse d’Abraham, remplie de certitude et dans une absolue confiance, à l’égard de la parole de Dieu. En d’autres termes, Abraham, face à Dieu, a considéré Dieu comme étant Dieu.

Au verset 21 Paul indique qu’Abraham a réagi de cette manière parce qu’il était « fermement convaincu que ce qu’il a promis il est aussi capable de l’accomplir ». L’objet de la profonde conviction d’Abraham est que Dieu a le pouvoir de réaliser ce qu’il a promis, car la parole de Dieu exige accomplissement de sa part. L’objet de la foi d’Abraham est Dieu, ce Dieu qui accomplit ce qu’il promet, et non pas la promesse à proprement parler. Paul dépeint ainsi, en évocation de Rm 4 XE "Rm 4" , 5 XE "Rm 4, 5" , une nouvelle fois Abraham comme celui qui ne travaille pas mais qui croit.

Rm 4, 23-25 : l’actualisation christologique

Les versets 23 à 25 constituent la conclusion du raisonnement rabbinique auquel Paul vient de se livrer. Paul exprime, en des termes solennels, sa vision du récit de Gn 15, 6, portant sur la foi comptée à Abraham. Il explicite l’actualisation christologique à la lumière de laquelle l’histoire d’Abraham doit être lue.

Paul commence par rappeler, au verset 23, que ce qui a été  écrit ne l’a pas été seulement dans un intérêt historique, et que son exposé n’est pas un « exercice académique », mais que l’histoire d’Abraham a aussi une application immédiate pour les croyants des générations présentes. Ce n’est plus seulement un individu, « lui », mais un collectif, « nous », qui se trouve concerné par l’actualité de l’Écriture. Il s’agit d’un nous « ecclésial » qui comprend les générations actuelles de juifs convertis et de non juifs venus du paganisme. Les croyants sont, au verset 24, ceux qui croient en « Celui qui a ressuscité d’entre les morts Jésus notre Seigneur », affirmation qui se fait l’écho des formules de foi primitives. Tel est le contenu même de la foi chrétienne proclamé en Rm 10, 9 XE "Rm 10, 9"  : « si, par ta bouche, tu confesses que Jésus est Seigneur et si dans ton cœur tu crois que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé ».

Les lecteurs de Paul sont invités à croire sans défaillance, comme jadis Abraham a cru en Dieu, que Dieu a ressuscité Jésus. Ainsi, le verset 17 définit spécifiquement la foi d’Abraham comme prototype de celle de tous ses descendants croyants du verset 24. Mais si Abraham a cru, contre toute espérance, en la capacité de Dieu à accomplir sa promesse, le chrétien croit en un fait déjà accompli par Dieu. La foi, celle d’Abraham ou celle du croyant actuel, a pour objet le même Dieu : le « seul Dieu » qui justifie les circoncis et les incirconcis (Rm 3, 3 XE "Rm 3, 3" 0 XE "Rm 3, 30" ), le Dieu qui justifie « l’impie » (Rm 4 XE "Rm 4" , 5 XE "Rm 4, 5" ) et le Dieu « qui fait vivre les morts et appelle à l’existence ce qui n’existe pas » (Rm 4, 1 XE "Rm 4, 1" 7).

Le verset 25 éclaire le verset 24 par une formule christologique primitive, qui revêt la forme d’un ancien credo résumant l’Évangile : Christ est mort et a été ressuscité et a été relevé pour notre justification. Ce qui a conduit Jésus à la mort, ce sont nos péchés (Rm 4 XE "Rm 4" , 2 XE "Rm 4, 2" 5a XE "Rm 4, 25a" ) ; c’est sa résurrection qui a conduit à notre acquittement (Rm 4, 25b XE "Rm 4, 25b" ).

La confession de foi au verset 25, selon laquelle Jésus a été livré et a été ressuscité par Dieu, confirme celle du verset 24 qui proclame que nous croyons en Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts. Ces deux affirmations rejoignent celle du verset 17 où Abraham croit au Dieu qui donne vie aux morts. Par conséquent, il y a identité entre la foi d’Abraham et celle des croyants. Ces trois affirmations ont la même signification : c’est l’acte créateur gratuit de Dieu qui donne la vie. Mais elles ne sont pas identiques car, cet acte créateur de Dieu, Paul l’appréhende sous l’angle de l’événement Jésus mort et ressuscité par Dieu. Pour Paul, le Dieu des croyants chrétiens est identifié à travers ce « caractère spécifique » qui fait qu’il est connu comme celui qui a ressuscité Jésus. Maintenant, Dieu est le Dieu de Jésus ; le Dieu qui l’a relevé des morts. Paul, à partir du langage traditionnel de la foi utilisé aux versets 17-21, change ici la signification du contenu du terme  foi. Le contenu de la foi d’Abraham était de croire que Dieu accomplirait la promesse, qu’il lui avait faite, de devenir père d’une multitude de nations ; de croire que Dieu est tout puissant au point de pouvoir donner la vie à partir de deux corps desséchés. Paul s’est approprié ce terme traditionnel  foi, commun aux juifs et aux chrétiens, mais il le qualifie maintenant de foi au Dieu qui a ressuscité Jésus des morts. Il s’agit du même Dieu et de la même foi au même Dieu, mais, pour la foi chrétienne, la toute-puissance de Dieu est identifiée à travers l’événement de la mort et de la résurrection de Jésus.

Conclusion

Chez Paul, comme dans l’Ancien Testament, la foi est la réaction de l’homme face à l’action de Dieu. Dans Rm 4 XE "Rm 4" , la foi d’Abraham est, selon Gn 15, 6, la réponse qu’il a donnée à la parole de Dieu, qui lui promettait d’être le père de nombreuses nations. En réponse, le Patriarche manifeste une confiance absolue par rapport à la garantie de sa réalisation. La conception paulinienne de la foi et celle de l’Ancien Testament sont équivalentes en ce qui concerne le vocabulaire : elles parlent toutes les deux de l’agir de Dieu, le Dieu unique qui seul justifie. Néanmoins, la conception paulinienne de la foi comporte une tonalité nouvelle du fait qu’elle est essentiellement déterminée par référence à une donnée radicalement neuve, celle de l’événement du Christ. Paul associe la foi juive à l’action de Dieu en Abraham et la foi au Christ à l’acceptation de la Parole dans l’Évangile, pour récréer l’unicité de la foi par l’intermédiaire du Christ et par la même occasion l’unité des croyants.

Dans Rm 4 XE "Rm 4" , Paul met en scène Abraham, parce qu’il est à ses yeux le croyant par excellence, et revisite ce récit de l’histoire du premier Patriarche d’Israël à la lumière de sa seule foi en un seul Dieu, et non plus par sa justification à travers les œuvres de la Loi mosaïque. En procédant de la sorte, Paul infléchit radicalement la position juive en opposant fortement la foi et les œuvres. Il se base, pour ce faire, sur une herméneutique érudite du texte de Gn 15, 6, tout en incorporant aussi une série d’autres termes tirés de Gn 15. Néanmoins, Paul utilise ces textes d’une manière différente de celle de l’exégèse juive contemporaine, pour démontrer qu’Abraham a été justifié par la foi, en dehors des œuvres, du temps où il était impie, car non circoncis (Gn 17, 10-14), ce qui conduit à un raisonnement cohérent dans sa démonstration du point de vue diachronique, puisque Abraham a été circoncis après son acte de foi. Et Paul centre son argumentation sur le fait que la promesse faite à Abraham par Dieu en Gn 17, 5, à savoir qu’il sera le père d’une multitude de nations, était le point central de sa foi ; car Abraham a cru à cette parole de Dieu et s’en est remis totalement à elle au point de tout attendre d’elle et d’elle seule. Cette centralité de la foi d’Abraham, Paul la renforce pour présenter le premier Patriarche comme le modèle du croyant. Il décrit l’acte de foi d’Abraham en donnant les définitions suivantes de Dieu, qui sont autant de contenus de la foi, constitutives de l’acte de foi du croyant. Ainsi, la foi est croire au :

  • Dieu qui justifie l’impie (Rm 4 XE "Rm 4" , 5 XE "Rm 4, 5" ).
  • Dieu qui fait vivre les morts et appelle à l’existence ce qui n’existe pas (Rm 4 XE "Rm 4" , 1 XE "Rm 4, 1" 7).
  • Dieu qui a le pouvoir d’accomplir ses promesses (Rm 4 XE "Rm 4" , 2 XE "Rm 4, 2" 1 XE "Rm 4, 21" ), même quand la situation personnelle est irrémédiablement désespérée.
  • Dieu qui a ressuscité Jésus d’entre les morts (Rm 4 XE "Rm 4" , 2 XE "Rm 4, 2" 4 XE "Rm 4, 24" ). C’est conformément aux Écritures que Jésus est ressuscité (1 Co 1 XE "1 Co 1" 5, 4 XE "1 Co 15, 4" ). Pour Paul, tout l’Ancien Testament porte témoignage que Dieu se révèle en Christ et que tout le langage sur Dieu doit être considéré à la lumière de la mort et de la résurrection du Christ parce que la foi valide la Loi (Rm 3, 3 XE "Rm 3, 3" 1 XE "Rm 3, 31" ).

C’est la lecture de cette foi d’Abraham qui permet à Paul, à la lumière de l’événement Christ, de considérer Abraham comme l’ancêtre de tous les croyants, des Juifs et des non juifs. Il peut ainsi donner une identité, à travers la paternité d’Abraham, à la jeune communauté naissante et l’appeler à l’union pour « vivre en bon accord les uns avec les autres » (Rm 15 XE "Rm 15" , 5 XE "Rm 15, 5" ) dans la foi. S’il est important d’identifier dans quel sens la compréhension paulinienne de la foi est foi en Christ, il est tout aussi  important de noter que Rm 4 n’insiste pas seulement sur la définition de la foi d’Abraham mais aussi sur la façon dont cette foi est témoignage de la foi en Christ et, par conséquent, sur le fait que la foi d’Abraham est typologiquement la foi du croyant actuel. La foi, pour Paul, est bien cette libre réponse de l’homme à la parole de Dieu, à l’action de ce Dieu qui a ressuscité Jésus notre Seigneur d’entre les morts (Rm 4, 2 XE "Rm 4, 2" 4 XE "Rm 4, 24" ).

Dans la conception paulinienne de la foi, la réponse du croyant actuel à l’initiative de Dieu est l’accueil de l’Évangile qui proclame que Jésus a été ressuscité par Dieu et qu’il est notre Seigneur. La foi est l’écoute de cette parole qui rend présent le mystère de Dieu et le lieu où le croyant abandonne sa vie dans l’absolue confiance de l’espérance que la promesse se réalisera. Les croyants sont les descendants d’Abraham qui, comme lui, répondent à l’initiative d’amour de Dieu en confessant que Dieu a opéré notre rédemption en Jésus Christ, celui-ci étant la réalité centrale du plan salvifique de Dieu.


Ainsi, par exemple : Gn 45, 26 ; Ex 4, 1.8 ; 1 R 10, 7 ; Ps 106, 12.14. Croire en Dieu signifie le reconnaître comme tel, être dans une relation exclusive avec lui: Nb 20, 12 ; Ps 78, 32. Dt 6, 5 décrit ce que doit être l’attitude de la foi.

Ainsi, par exemple : Gn 15, 6 ; Dt 1, 32 ; Ne 9, 8. Cette foi en Dieu est fondée sur ce que Dieu a accompli dans le passé, ce qui suppose une fidélité réciproque et la conviction que Dieu réalisera ce qu’il a promis. Le Ps 78, 8.37, montre l’attitude d’Israël, dans son manque de fidélité, face à l’exigence divine.

Ainsi, par exemple : Dt 7, 9, Dieu est fidèle parce qu’il conserve l’alliance ; Ps 111, 7 ; Ps 19, 8 ; 1 R 8, 26.

Ex 14, 1 XE "Rm 14, 1" 4 XE "2 Co 14, 14"  ; Jos 24, 14 XE "Ac 24, 14"  ; 2 Ch 19, 9 ; Ps 86, 11. Dans la littérature rabbinique, la foi est considérée comme obéissance à la loi.

Les Psaumes et le prophète Isaïe me paraissent confirmer ces propos. Il conviendrait d’ajouter, à cette conception de la foi, l’attente du Messie dont les textes suivants, par exemple, se font l’écho : 1 S 2, 35 ; Is 11, 5 ; 16, 5 ; 42, 3 ; Ps 89.

Si 44, 20 ; Gn 26, 5 ; Sg 10, 5  XE "Rm 10, 5" ; 1 M 2, 52; Jub 16, 28 ; 19, 8-9 ; 23, 9-10 ; 24, 11 ; Écrit de Damas 3, 2-4 ; 2 Ap Ba 57, 1-2.

Gn 17, 22 ; 1 M 2, 52 ; Si 44, 19-20 ; Sg 10, 5  XE "Rm 10, 5" ; Jdt 5, 5 XE "Ga 5, 5"  ; 8, 25 ; Tb 4, 21 ; 2 Ba 57, 2 ;  4 M 16, 9  XE "Ap 16, 9" ; Jub 17, 17 ; 23, 10 ; 24, 11. Voir aussi Abr 262 à 276, où, en Abraham, foi et loi se confondent.

Mekilta sur Ex 14, 31 ; le Targum Onkelos et celui de Jérusalem lisent « mérite » au lieu de « justice » soit dans Gen 15, 6 soit dans Ps 105, 31.

La Septante insiste sur la valeur de « salaire du travailleur » et accentue le caractère moral de « dû en justice ». Il est opposé à l’ « acte gratuit » : Gn 29, 15 ; 30, 28.32.33 ; 31, 7.8.41. Il compense l’effort : Tb 2, 14 ; 5, 3  XE "Rm 5, 3" ; 12, 1 XE "Rm 12, 1"  ; Qo 4, 9 ; Sg 10, 17. Il est le prix de la chose convenue : 2 Ch 15, 7 ; Jr 31, 16 et du service rendu : Dt 15, 18 XE "Rm 15, 18"  dont le montant a été convenu : Ex 2, 9 XE "Col 2, 9"   XE "Rm 2, 9" ; 1 R 5, 20 ; Tb 5, 14-15. Il doit être versé : Jr 22, 13, Ml 3, 5 ; Si 34, 22 ; Lv 19, 13 ; Tb 4, 14  XE "2 Co 4, 14" ; Dt 24, 14 XE "Ac 24, 14" -15, car c’est grâce à lui que l’on peut se nourrir et prendre du repos : Si 11, 18.

A noter 4 Esd 8, 31-36.

Il est à noter, toutefois, que la phrase « sans les œuvres », placée avant la citation du Psaume et à la fin de la phrase introductive, ne fait pas partie du Psaume cité par Paul.

2 Bar 78, 4 ; 4 Bar 4, 10 XE "Ac 4, 10"  XE "1 Jn 4, 10"  ; Psaumes de Salomon 9, 9-10 ; Flavius Josèphe, Antiquités Juives 11, 169 ; 14, 255 ; Pseudo Philon 23, 4 ; 32, 1.

E. JACOB, «  Abraham et sa signification pour la foi chrétienne », RHPhR 42, 1962, p. 154.

H. MOXNES, Theology in Conflict. Studies in Paul Understanding of God in Romans, Leiden, Brill, « NT.S 53 », 1980, p. 129.

Mt 21, 33-46 XE "Mt 21, 33-46" ; Mc 12, 1-12 XE "Mc 12, 1-12" ; Lc 20, 9-19 XE "Lc 20, 9-19"  attestent bien que le fils est l’héritier.

J.-N. ALETTI, « Rétribution et jugement de Dieu en Rm 1-3 XE "Rm 1-3"  » dans Collectif, Le jugement dans l’Un et l’Autre Testament II. Mélanges offerts à Jacques Schlosser, Paris, Éd. Cerf, « LeDiv 198 », 2004, p. 324.

Ainsi dans Dt 32, 39 ; 1 S 2, 6 ; 2 R 5, 7 ; Ps 70, 20 ; Dn 12, 2 ; Tb 13, 2 ; Sg 16, 13 ; 2 M 7, 23 ; Joseph et Aseneth 20, 7.

Ou convoquer, comme en Is 40, 26.

Par exemple : Ps 33, 6 ; 147, 15-20 ; 148, 5 ; Am 5, 8. Le sens simple du mot est « inviter à paraître ».

Cette notion a parfois subi quelques influences : dans Sg 11, 17 : création du monde à partir d’une matière informe (expression empruntée probablement à la philosophie grecque) ; 2 M 7, 28 : Dieu a créé de rien (probablement en réaction à la philosophie grecque).

Ainsi en Is 42, 5 ; 45, 12 ; 48, 13 ; Sg 11, 25 ; 2 M 7, 23.28.29 ; 2 Ba 21, 4 ; 48, 8 ; Philon, Specialibus Legibus, 4.187 avec des termes presqu’identiques ; De Oficio Mundi, 81 ; Legum Allegorie, 3.10.

Dans le récit de Gn 17, 1, Abraham a quatre-vingt-dix-neuf ans et cent ans en Gn 17, 17 et 21, 5. C’est le récit de Gn 17, 1-21 qui sert d’arrière fond au récit de Paul dans l’histoire d’Abraham et Sarah.

Paul, en disant qu’Abraham n’a pas faibli dans sa foi, se fait l’écho de la réaction d’Abraham en Gn 17, 17 : « Abraham se jeta face contre terre et il rit ; il se dit en lui-même : « un enfant naîtrait-il à un homme de cent ans ? Ou Sarah avec ses quatre-vingt-dix ans pourrait-elle enfanter ? ».

Is 55, 8-11 ; Jr 28 ; Ps 33, 9.

Dans Rm 15 XE "Rm 15" , 4 XE "Rm 15, 4"  ; 1 Co 9, 10 XE "1 Co 9, 10"  ; 10, 11  XE "Rm 10, 11"  XE "1 Co 10, 11" ; 2 Tm 3, 16 XE "2 Tm 3, 16"  Paul donne aux croyants le sens actuel des récits de l’Ancien Testament. Le Ps 78, 1-7 pourrait attester que ce principe ne devait pas être étranger aux destinataires de Paul. Dans Abr 4, on lit une actualisation similaire à propos d’Abraham « dont les vertus sont consignées dans les saintes écritures pour leur illustration, mais aussi afin de stimuler les lecteurs et de les induire au même zèle ».

La même exhortation, en termes un peu différents, en Rm 15 XE "Rm 15" , 7 XE "Rm 15, 7" : « accueillez-vous les uns les autres ».

En Rm 4 XE "Rm 4" , 2 XE "Rm 4, 2" 4 XE "Rm 4, 24" , l’objet de la foi n’est pas le Christ mais Celui qui a ressuscité le Christ. Il ne s’agit pas d’un autre Dieu que celui auquel Abraham a cru.